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La déformation des roches : notions élémentaires

Forcément cette voiture va moins bien fonctionner… Que s'est t'il passé ? Vitesse abusive ? Mauvaise trajectoire ? Freinage raté ? Pour essayer d'y répondre les inspecteurs vont étudier les pièces déformées de la voiture : son capot plissé, son pare-choc fracturé … En comparant les pièces déformées avec des pièces similaires neuves il va être possible d'estimer les forces nécessaires pour réaliser ces déformations, donc essayer de connaître la vitesse et l'orientation du véhicule au moment de l'impact.

En géosciences nous appliquons la même démarche en étudiant la déformation des roches. L'affleurement présenté ci-dessous correspond à des roches sédimentaires du pays basque plissées lors de l’orogenèse pyrénéenne. Dans ce cours nous allons voir quelles informations peut-on obtenir par l'étude de tels affleurements, et plus généralement de l'étude de la déformation des roches.



Déformation homogène/hétérogène

Un objet géologique va, lorsqu'il est soumis à des forces extérieures se déformer et subir des déplacements. La description géométrique de cet objet nous permettra d’avoir des indications sur les forces ayant crée cette déformation.

La déformation peut être homogène, dans ce cas toutes les droites que l’on peut inscrire dans l’objet vont se transformer en de nouvelles droites.

La déformation peut être hétérogène, dans ce cas la déformation transforme une partie de ces droites en courbes.

Dans le cas de la déformation hétérogène, le déplacement des points à l’intérieur du matériau est continu ou discontinu. La discontinuité s’exprime par une faille par exemple.

Attention cette notion de continue/discontinue dépend fortement de l’échelle d’observation. Par exemple une déformation peut apparaître continue à l’affleurement, mais à l’échelle de l’échantillon peut entraîner des micro-fractures ou de la schistosité.



Echelle d'observation

La notion d’échelle d’observation est donc essentielle. Les déformations s’observent à l’échelle moléculaire, au niveau des minéraux, des échantillons, de l’affleurement, du massif, de la chaîne de montagne et de la plaque lithosphérique. Dans ce cours nous allons observer les déformations depuis l'échelle du minéral jusqu'à la plaque lithosphérique.

Vous avez déjà étudié les déformations à l'échelle du massif en analysant des cartes géologiques, par exemple en réalisant des coupes géologiques dans des structures plissées.



Localisation des déformations

Le but du tectonicien est de reconstituer l’évolution géométrique de l’objet déformé en trois dimensions et au cours du temps et d’en déduire un mécanisme de déformation à l’échelle crustale.

L’objet étudié est en général une zone déformée comprise entre deux domaines moins déformés. Les déformations situées à l’intérieur de la zone déformée permettent d’avoir des informations en termes de déplacements relatifs des blocs

Exemple : la chaîne des Pyrénées. Ici la collision entre la plaque européenne et la plaque ibérique entre le Crétacé supérieur et l’Éocène a entraîné un maximum de déformations à la limite entre les deux plaques. L'étude des déformations a permis de reconstruire les mouvements relatifs des deux plaques. cf. cours sur les Pyrénées du semestre 2.



Cette carte représente les principales plaques lithosphériques. Le long de leurs limites les roches qui constituent ces plaques sont déformées. Ainsi par l’étude des déformations au niveau de ces zones il est en partie possible de reconstruire les mouvements relatifs des plaques.

Les principales déformations vont donc se trouver au niveau des différents types de limites de plaques : limites en convergence (chaînes de montagnes, zones de subduction), limites en divergence (dorsales océaniques) et limites avec du coulissage (failles transformantes).



Notions de forces et de contraintes

Le cylindre de gauche est soumis à deux forces verticales et opposées. Chaque force crée sur chaque surface plane une pression : P=F/S. Cette pression est appelée contrainte normale. A partir de maintenant nous ne parlerons plus de forces, de pression mais uniquement de contraintes. Nous utiliserons la lettre σ (sigma) pour représenter les contraintes. Une contrainte a la même unité qu'une pression : le pascal (Pa).

Dans l'exemple de gauche les deux seules contraintes appliquées sont opposées et sur le même axe vertical : on parle de contrainte uniaxiale.

Dans la lithosphère les roches sont soumises à des contraintes dans toutes les directions de l'espace, c'est le cas de droite : on parle alors de contrainte triaxiale.



Ce parallélépipède est soumis à trois couples de contraintes différentes sur ses six faces : σ1, σ2 et σ3.

Par définition σ1 est appelée contrainte principale, σ2 contrainte intermédiaire et σ3 contrainte minimale.

Ainsi σ1 > σ2 > σ3

La représentation de l’état des contraintes, c'est à dire l'organisation de la combinaison entre σ1, σ2 et σ3 à l'intérieur du volume se fait par ce que l’on appelle l’ellipsoïde des contraintes. Cet ellipsoïde présente un axe allongé parallèlement à σ1 et l'axe le plus court parallèlement à σ3.



Deux cas peuvent se produire. σ1 σ2 σ3 sont identiques on parle de contrainte isotrope, c’est à dire identique dans toutes les directions. Un exemple courant de ce cas est la contrainte rencontrée dans les liquides. On parle de contrainte hydrostatique. En plongée sous-marine, à 40 m de profondeur la pression est environ 5 fois supérieure à celle en surface, pourtant nous ne sommes pas déformés. Dans le cas d’une contrainte hydrostatique l’ellipsoïde est une sphère, il n'y a donc aucune raison d'être écrasés dans une direction particulière. Nous perdons juste un peu de volume en raison de la perte de volume des gaz contenus dans notre corps.

Maintenant si σ1, σ2 et σ3 sont différents on obtient un ellipsoïde allongé parallèlement à σ1. Cette fois les objets seront véritablement déformés.

Une roche située à 5 km de profondeur est soumise au poids des roches sus-jacentes. Si l'on fait des mesures de contraintes dans différentes directions on constate que cette valeur ne varie pas de façon significative. On peut en conclure qu’il règne au sein de l’écorce une contrainte de type hydrostatique : que l’on appelle contrainte lithostatique. L’écorce se comporte donc comme un liquide, liquide extrêmement visqueux. Nous pouvons donc considérer que la contrainte lithostatique ne déforme pas véritablement les roches.

Si maintenant l'on rajoute à la contrainte lithostatique une contrainte tectonique, qui va être forcément orientée (une collision continentale par exemple) : les contraintes vont devenir anisotropes. L'ellipsoïde va prendre une forme allongée parallèlement à σ1, les roches vont alors être déformées.


Dans le cas d’une compression symétrique σ1 est horizontal et σ3 vertical.

Dans le cas d’une distension σ1 est vertical.

Dans le cas général ou les déplacements ne sont pas uniquement horizontaux ou verticaux on obtient un ellipsoïde incliné.



Notion de déformation

Les contraintes vont donc entraîner des déformations (plis, failles, …). Lorsque l'objet déformé est à l'affleurement il est bien évident que les contraintes qui ont causé les déformations ne sont plus actives depuis généralement plusieurs millions d'années. Pourtant l'objectif est bien de connaitre ces contraintes. C'est donc par l'étude des seules preuves qui restent, c'est à dire les déformations, que nous allons y arriver.

Quelle que soit l’échelle d’observation, la déformation d’un objet quelconque peut être décrite en termes géométriques par la somme d’une composante en cisaillement simple et d’une composante en cisaillement pur.

Le cisaillement simple décrit la composante de cisaillement parallèle aux limites de la zone déformée.

Le cisaillement pur décrit la composante perpendiculaire aux limites.



La déformation finale va donc correspondre à la somme du cisaillement pur et du cisaillement simple.



Avec un logiciel de dessin j'ai effectué manuellement ces déformations sur une image d'ammonite. Tout d'abord l'objet initial a subi un cisaillement pur puis un cisaillement simple.

A ces deux déformations il faut ajouter deux composantes, qui ne sont pas vraiment des déformations, ce sont plutôt des mouvements : il s’agit de translation et de rotation. Ces deux composantes ne sont pas visibles dans la structure des roches. Ces deux mouvements impossibles à mettre en évidence à l’affleurement peuvent être étudiés par le paléomagnétisme.



Pour représenter la déformation d’une roche on l’a représente sous la forme d’un ellipsoïde : l’ellipsoïde de la déformation, à ne surtout pas confondre avec l’ellipsoïde des contraintes.

Cet ellipsoïde est composé de trois axes X, Y et Z : Par définition X>Y>Z.

X est donc l'axe d'allongement maximal et Z l'axe de raccourcissement maximal.

Afin de visualiser cet ellipsoïde, imaginez un objet initial totalement sphérique. Après déformation cette sphère va devenir un ellipsoïde, un peu comme une balle en mousse que l'on écraserait. Cet ellipsoïde correspond précisément à l’ellipsoïde de la déformation finale.

Le travail du structuraliste consiste d’abord à définir la forme de l’ellipsoïde de déformation, puis d’étudier le chemin suivit par la roche pour atteindre cet état fini. Pour arriver à connaître cette forme on utilise des marqueurs de la déformation (fente, galets, …). Nous verrons ces marqueurs dans la suite de ce cours.

Il est donc très important de connaitre précisément la forme de l'objet avant qu'il soit déformé.

Dans certains cas particuliers l’ellipsoïde de la déformation peut directement être visualisé. Ici vous avez une oolithe ferrugineuse déformée. On peut directement y faire des mesures des axes X, Y et Z. Ici l'axe X est horizontal.



Relations entre contraintes et déformations

L'étude des relations entre contraintes et déformations est une discipline nommée Rhéologie.

La rhéologie est l'étude du comportement des matériaux soumis à une contrainte.

La rhéologie des matériaux de la croûte terrestre dépend de trois facteurs principaux :

  • La température.
  • La pression (la pression lithostatique, donc la profondeur en première approximation).
  • La vitesse de déformation.

Nous allons maintenant regarder l'influence de ces trois paramètres sur la déformation des roches.



Imaginons un petit test de matériel : plier une baguette en bois ou en métal. On plie un peu, on relâche et la baguette retrouve sa forme initiale grâce à l'élasticité.

On plie un peu trop et la baguette en bois casse. Si la baguette est faite de métal elle va rester pliée (sans casser).

Des essais sont réalisés sur des cylindres de solides (cylindres de roches en général) afin de tester leurs comportements soit sous compression soit sous extension.


Lors de ces tests différents paramètres sont étudiés : principalement les contraintes, la température et la pression de confinement. Les appareils utilisés vont permettre d'observer et mesurer la déformation du matériau sous l'influence de ces paramètres.

Pour tous les matériaux solides, on obtient toujours des courbes ± semblables, illustrées ci-dessous : attention, les axes de ces diagrammes n'ont pas d'échelles la forme des courbes est “universelle” les valeurs sur les axes varient d'un matériau à un autre (chocolat, verre, fer, granite, …).

Les mécanismes de déformation des roches avant la rupture peuvent se ramener à deux types de comportements :

Le comportement élastique : la déformation est immédiate lors d’une contrainte. Les matériaux élastiques accumulent une déformation qu’ils restituent lorsque la contrainte est relâchée. Cette déformation est réversible. La relation entre contrainte et déformation élastique est linéaire. Les déformations absorbées par ce comportement dans les roches sont toujours faibles, c'est à dire de l'ordre de 1 à 2% max.). Par définition, ces déformations ne sont pas observables dans les roches où les contraintes ont cessé d'agir.

A partir d'un premier seuil appelé limite élastique, la forme de la courbe change.

Le comportement plastique : Cette fois la déformation en réponse à la contrainte est définitive et non réversible. Les matériaux ne restituent pas la déformation après relaxation de la contrainte. La relation entre contrainte et déformation n’est pas linéaire.

La déformation élastique correspond aux faibles contraintes. Pour des valeurs plus élevées et au-dessus d’un certain seuil, la déformation devient plastique. Dès ce seuil passé la déformation s’accélère. Dans certains cas, si la déformation continue alors que la contrainte n’augmente plus, on parle de fluage.

A partir d'un second seuil, dit seuil de rupture des fractures se développent. La roche perd alors sa cohésion interne.



A partir de ce graphe nous pouvons définir deux types de comportements des roches vis-à-vis de la déformation :

Le comportement cassant : Dans le domaine cassant les roches ne subissent peu ou pas de déformation plastique avant la rupture.

Le comportement ductile : Dans le domaine ductile les roches subissent de grandes déformations plastiques.



Influence des paramètres température, pression de confinement et vitesse de déformation

Les 3 graphs ci-dessous permettent de comprendre l'influence de ces paramètres sur la déformation.

Influence de la température

Les températures sont ici en centaines de degrés, donc totalement au-delà des températures que nous connaissons. Pour mieux comprendre l'influence de la température prenons plutôt un matériau de tous les jours : Le chocolat ! Sa rhéologie va suivre exactement les mêmes courbes que pour les roches mais avec des contraintes et des températures bien plus faibles. Pour la température divisez simplement les températures du graphique par un facteur 10. Si l'on applique une contrainte sur une tablette de chocolat dont la température est de 2°C sa rupture va être très rapide. A 10°C la tablette va un peu plier puis casser. A 40°C elle pliera sans casser. Et au-delà le chocolat va fondre, donc se déformer tout seul sans avoir à appliquer de contrainte : c'est la courbe du bas qui redescend. On parle alors de fonte pour du chocolat ou de fusion pour de la roche.

L'augmentation de la température allonge le domaine ductile et éloigne le point de rupture.

La température joue également sur le domaine élastique : plus la température est élevée plus le domaine élastique diminue.

Influence de la vitesse de déformation

Restons avec notre tablette de chocolat. Frappée violemment sur une table elle se brise. Donc si la vitesse de déformation est très rapide (courbe du haut) le point de rupture arrive rapidement. Si nous la déformons très très lentement le point de rupture va s'éloigner, sa déformation va devenir ductile. Il ne faut pas oublier que la nature a le temps. Des contraintes peuvent s'appliquer pendant des centaines de milliers d'années à millions d'années.

Influence de la pression de confinement

Nous allons considérer la pression de confinement comme étant la pression lithostatique. L'augmentation de la pression de confinement ne change pas la plage de déformation élastique, par contre elle va augmenter la plage de déformation plastique et éloigner le point de rupture.

Donc plus le confinement est important moins il y a de rupture… C'est surement grâce au chocolat…LOL

Si l'on descend dans la lithosphère :

  • La pression lithostatique augmente : la déformation va devenir plastique.
  • La température augmente (gradient géothermique compris entre 10 à 30°/km) : le point de rupture s'éloigne, la déformation devient plastique.

Dans la lithosphère température et pression lithostatique jouent dans le même sens : elles éloignent le point de rupture et allongent la plage de déformation plastique.

Les conditions favorables pour provoquer des ruptures, sont :

  • Basse température (le matériau est cassant, il ne flue pas facilement).
  • Faible pression de confinement c'est à dire, roches de surface.
  • Vitesse de déformation rapide.



Exemple de la faille de San Andreas

Cette faille est une discontinuité majeure, elle marque la limite entre les plaques Pacifique et Nord Amérique. Le mouvement relatif entre les deux plaques affecte bien sur toute la lithosphère. Si l’on regarde la sismicité le long de cette faille (graphique du bas) on s’aperçoit que les séismes (les foyers) affectent uniquement les 15 premiers kilomètres.

Ainsi la croûte supérieure (température et pression de confinement faibles) a un comportement cassant et la croûte inférieure (températures et pression de confinement élevés) un comportement ductile. On parle de croûte sismique et de croûte asismique.



Voici d'autres exemples pris dans le haut atlas marocain et le plateau tibétain. Les séismes se retrouvent essentiellement dans la croûte supérieure : la croûte sismique.

Des séismes réapparaissent à plus de 60 km de profondeur, c’est-à-dire dans le manteau supérieur. Le manteau supérieur a donc un comportement cassant, il est rigide.



Ces informations permettent de faire la différence dans le manteau supérieur entre :

  • Dans sa partie supérieure (40 à 150 km), un manteau supérieur rigide faisant partie de la lithosphère.
  • Dans sa partie inférieure (150 à 700 km), un manteau supérieur ductile faisant partie de l'asthénosphère.

Dans sa partie supérieure (40 à 150 km) le manteau supérieur redevient rigide en raison de sa composition minéralogique. En effet l'olivine a un comportement cassant jusqu'à 70-150 km.

La lithosphère est l'enveloppe rigide de la surface de la Terre, elle comprend donc la croûte et le manteau supérieur.

Vers 70 – 150 km le manteau devient ductile, donc asismique. Nous passons dans l'asthénosphère, ce passage se fait vers l'isotherme 1300°C. Dans l'asthénosphère les échanges de chaleurs se font par convection, contrairement au manteau où ces échanges se font par conduction.



Exemple du golfe de Gascogne

Un rift a fonctionné dans le golfe de Gascogne au cours du Crétacé supérieur. La marge Nord-Gascogne présente un profil typique de marge passive avec des failles normales et des blocs basculés.

Voici un profil de sismique réflexion au sein de cette marge. La partie supérieure est constituée d'une couverture sédimentaire horizontale qui semble remplir une topographie antérieure.

En dessous, nous pouvons voir des blocs crustaux limités par des failles normales, se sont des blocs basculés. Ces failles normales ont fonctionné entre l’Aptien terminal et le Barrémien.

Un réflecteur particulier marque la base du profil, ce réflecteur est connu sous le terme de réflecteur “S”. Toutes les failles normales s'arrêtent sur ce réflecteur, elles ne le traversent jamais.

Le réflecteur “S” marque le passage entre le comportement cassant de la croûte supérieure et le comportement ductile de la croûte inférieure.**

En dessous de ce réflecteur le comportement des roches devient ductile, les failles ne peuvent donc pas s'y propager. Ce réflecteur se trouve à une quinzaine de kilomètres, il marque donc le passage cassant – ductile, ici entre 10 et 15 km de profondeur.


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