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Les Pyrénées cours 1/2

Les Pyrénées constituent, du Pays basque au Roussillon, une chaîne intracontinentale sensiblement rectiligne, de direction E-W. Les Pyrénées font environ 500 km de long pour 100 km de large. Cette chaîne de montagne, frontière naturelle entre l’Espagne et la France correspond également à la frontière entre la plaque lithosphérique ibérique et la plaque européenne. Le point culminant est le Pic d’Aneto : 3404m. Il se situe en Espagne, au nord-est de l’Aragon

Du Sud au Nord, les Pyrénées sont classiquement subdivisées en Zone Sud-Pyrénéenne (ZSP), Haute Chaîne Primaire (HCP) ou Zone Primaire Axiale et Zone Nord Pyrénéenne (ZNP).

  • La Zone Sud-Pyrénéenne, versant Sud de la chaîne est constituée de terrains sédimentaires plissés mésozoïques et cénozoïques. Ces formations forment généralement des nappes de charriage à convergence Sud.
  • La limite sud de la Zone Sud-Pyrénéenne est matérialisée par le Front de Chevauchement Sud-Pyrénéen (FCSP). Au delà de ce front les terrains sont autochtones, c’est à dire non déplacés.
  • La Haute Chaîne Primaire constitue l’axe morphologique actuel des Pyrénées où affleure principalement le socle paléozoïque. Cette zone est limitée au Nord par la Faille Nord Pyrénéenne (FNP)
  • La Zone Nord-Pyrénéenne (ZNP) est constituée comme pour la Zone Sud-Pyrénéenne de terrains sédimentaires mésozoïques plissés et également des terrains primaires déformés.
  • La limite Nord de la Zone Nord Pyrénéenne est le Chevauchement Frontal Nord-Pyrénéen (CFNP).
  • L’avant pays nord, autochtone constitue la Zone Sous-Pyrénéenne (ZSP), il s'agit du sud du bassin Aquitain.


Les Pyrénées sont une chaîne poly-orogénique, c’est à dire une ayant subi plusieurs orogenèses différentes. Malgré ceci, le dispositif structural et morphologique actuel est d’âge alpin, c’est à dire essentiellement lié à la dernière orogenèse. Les déformations importantes liées à l’orogenèse alpine, dernière en date rend difficile l’étude des orogenèses antérieures. L’orogenèse alpine au sens large englobe l’ensemble du Mésozoïque et du Cénozoïque. Des témoins d’orogenèses antérieurs existent, avec essentiellement des témoins des orogenèses calédonienne et hercynienne. Des témoins d’orogenèses encore plus anciennes c’est à dire précambriennes existent également. Nous nous attarderons uniquement sur l’orogenèse la plus récente, celle liée au cycle alpin.


Plan

Cette séance fait partie des 2 séances dédiées aux Pyrénées. Tout au long de ce cours nous allons passer de l’observation de terrain, par le biais de l’étude des roches et des cartes géologiques, jusqu'à la synthèse expliquant la formation des Pyrénées. Les roches vont vous être présentées dans un ordre chronologique, et ce à partir de l’Ère secondaire. Avec tout d’abord, les roches du Trias puis du Jurassique et Crétacé. Dans une deuxième partie les roches de l’Ère tertiaire, avec le passage de la limite KT, puis les roches des Pyrénées centrales et des Pyrénées occidentales.


Les roches de l’Ère secondaire

Vous pourrez suivre l'ordre chronologique sur le log synthétique de votre fascicule. Nous allons donc commencer à la base du log par les roches du Trias. Les formations triasiques arrivent en discordance sur les terrains paléozoïques.


Une des roches caractéristiques du Trias, est une roche détritique : les conglomérats du massif de la Rhune localisé au Sud de Bayonne. Ce conglomérat est un conglomérat polygénique c’est-à-dire constitué d’éléments de nature et d’origine différentes. Il se présente sous la forme de bancs métriques, composés essentiellement de galets arrondis. Ces conglomérats se sont mis en place essentiellement en milieu continental ou en milieu marin très peu profond. C’est la matrice essentiellement siliceuse de couleur lie-de-vin qui donne la teinte rouge au conglomérat. Ces conglomérats sont généralement associés à des grès rouges d’origine fluviatile.


A la fin du Trias se déposent les calcaires du Muschelkalk ainsi que des roches évaporitiques, essentiellement du Gypse. Ces roches traduisent un environnement de dépôt marin peu profond. Après les plissements liés à l’orogenèse hercynienne, à la fin de l’Ère primaire, une période d’extension a provoqué la formation de fossés d’effondrements (graben). Au sein de ces grabens, l’érosion de la chaîne hercynienne sous conditions climatiques tropicales a entraîné le dépôt de roches détritiques rouges appelées “Nouveaux Grès Rouges”, par opposition aux Vieux grès rouges déposés au Dévonien, à la fin de l’orogenèse calédonienne. Cette période d’extension triasique se traduit par la formation d’un rift continental. Des dépôts marins transgressifs arrivent avec les calcaires du Muschelkalk et les dépôts évaporitiques mis en place au sein d’une mer très peu profonde ouverte vers l’Est : L’océan Téthysien.


Les profondes fractures qui affectent ce rift continental, structure distensive, entraînent la remontée de roches magmatiques : les ophites issues du manteau. Cette phase d'extension a donc permis une remontée adiabatique c’est-à-dire sans échange thermique du manteau. Cet amincissement de la lithosphère aboutit ainsi à la remontée d'un magma basaltique. Lorsque ce magma atteint la surface on obtient du basalte, mais si le magma reste dans la croûte continentale, dans des formations sédimentaires, il se forme alors des dolérites. Les ophites sont des dolérites typiques de la région des Pyrénées.

Les ophites sont donc des roches volcaniques basiques dont la composition chimique est celle d’un basalte.


Voici des photos d'un échantillon d'ophite prise au microscope, en lumière naturelle et en lumière polarisée. Les ophites sont constituées essentiellement de plagioclases (petites tablettes blanches) enserrant ou incluses dans de grands cristaux de pyroxène. On parle de structure doléritique.

Le nom ophite vient du grec ophis (serpent) en raison de son aspect tacheté rappelant une peau de serpent.


Les roches du Trias témoignent donc de l’érosion de la chaîne hercynienne (conglomérats et grès rouges) ainsi que de l’initiation de la dislocation de la Pangée (ophite). Cette dislocation a avorté puisque aucune croûte océanique ne s’est formée.

Au Jurassique et Crétacé inférieur, nous passons à une sédimentation totalement différente avec une succession de dolomies, marnes et calcaire urgonien.


Voici pour exemple le Pic du Gar en Haute Garonne dans la zone Nord Pyrénéenne. On retrouve une succession de calcaires et dolomies jurassiques et crétacés inférieur. Dans le paysage les dolomies sont visibles grâce à leur couleur caractéristique gris foncée (couleur peau d'éléphant) : CaMg(CO3)2


Voici un autre exemple de paysage, cette fois en vallée d'Aspe, toujours dans la zone Nord pyrénéenne. Là aussi la lecture du paysage nous permet de différencier des barres calcaires et dolomitiques en relief, et de zones composées de marnes couvertes par la végétation et plus facilement soumises à l'érosion.

Non visible sur la photo mais observable à l'affleurement on peut noter la présence de bauxite au sommet du Jurassique. La bauxite est une roche résiduelle témoignant de l'érosion de calcaires dans un environnement continental. Ce cordon de bauxite traduit donc une période d'émersion à la fin du Jurassique. La mer revient au Barrémien avec la mise en place de calcaires barrémiens et de marnes aptiennes. Le sommet est constitué de calcaires caractéristiques : les calcaires urgoniens.


Voici pour exemple, deux représentations de fossiles de rudistes. Il s'agit de mollusques bivalves présentant des valves épaisses et dissymétriques. Ces organismes vivaient fixés sur le fond en association avec des polypiers. Selon le principe d'actualisme on admet un mode de vie récifal dans des mers chaudes.


Au cours du Jurassique et du Crétacé inférieur nous avons donc ici les témoins d’une sédimentation sur une plateforme. L’alternance calcaires & marnes témoigne de variations du niveau marin, on parle d’eustatisme. A la fin du Jurassique la présence de bauxite témoigne de périodes d’émersion. La mer revient au Crétacé, on parle alors de la transgression du Crétacé. Au Crétacé, le calcaire urgonien à rudiste témoigne du développement de zones récifales : la plateforme urgonienne.


Au Crétacé supérieur, un changement de sédimentation radical se produit. Au dessus des carbonates de plateforme se déposent les formations de flysch.


Les flyschs correspondent à un ensemble de roches stratifiées où alternent des niveaux de grès ou de calcaires et des niveaux de marnes sur une épaisseur importante.


Nous pouvons faire une analogie entre ces flyschs et les dépôts turbiditiques qui se déposent actuellement dans le domaine marin profond du golfe de Gascogne. Voici pour exemple des dépôts turbiditiques prélevés dans le domaine profond du golfe de Gascogne, à plus de 4500 m de profondeur. Ces carottes sédimentaires présentent une alternance de niveaux sableux décimétriques à métriques intercales dans des niveaux argileux. Ces sédiments se mettent actuellement en place au sein des systèmes turbiditiques profonds que vous avez vu dans ce module lors de la séance sur le golfe de Gascogne. Ils s'agit de dépôts sédimentaires modernes analogues au flysch du Crétacé supérieur.


Au cours du Crétacé supérieur, il y a donc un passage entre une sédimentation de plateforme mise en évidence par les formations calcaires récifales de l'Urgonien, et une sédimentation dans un environnement marin profond mise en évidence par les flyschs.

Cette transition sédiment de plateforme ⇒ flysch marque témoigne de la formation d'un bassin profond subsidant à partir du Crétacé moyen, séparant l'Europe de l'Ibérie : le sillon Nord pyrénéen.


Voici une représentation du sillon Nord pyrénéen. Sur les marges de ce sillon se poursuit le développement de la plateforme carbonatée. Les dépôts gravitaires présents sur la pente sous forme d'écoulements en masse et sur le glacis sont forme de systèmes turbiditiques avec des chenaux et des lobes sont tout à fait comparables aux dépôts gravitaires profonds actuels. Cette représentation est intéressante car elle illustre en coupe, sur le côté les déformations subies par les formations calcaires jurassiques et crétacées au cours de l'ouverture de ce sillon. Cette ouverture a entraîné l'effondrement de la plateforme carbonatée par le biais d'un ensemble de failles normales.


Le sillon Nord-pyrénéen a une faible extension spatiale et présente une orientation E-W. Sur une coupe Nord-Sud, donc perpendiculaire à l'axe de ce sillon, on retrouve de part et d'autre des failles normales liées à l'ouverture du sillon. Au sud du sillon cette faille correspond en fait à la faille Nord Pyrénéenne qui joue en extension mais également comme vous le verrez plus tard en décrochement senestre. Le sillon est soumis aux apports sédimentaires en provenance des deux marges, la marge Nord et la marge Sud, mais également en provenance de l'Est. Le sillon est ouvert vers l'Ouest en connexion avec le Gouf de Cap Breton. Ce sillon est caractérisé par une forte subsidence, dans la région de Pau les taux de sédimentation sont de l'ordre du km par million d'année, ce qui est considérable. Vous pourrez comparer ces taux avec ceux actuels dans le golfe de Gascogne que vous avez calculés au cours de la séance sur le golfe de Gascogne. Sur les deux plateformes (Nord et Sud) continuent à se développer des formations récifales de plateforme.

La carte actuelle du sillon Nord Pyrénéen mis en évidence en rouge sur cette carte par les bassins sédimentaires de flysch présente un ensemble de bassins losangiques de type bassins en pull-apart. Un bassin sédimentaire pull-apart est un bassin sédimentaire allongé, mis en place au sein d'une zone de décrochements. Ici le décrochement est lié au fonctionnement coulissant senestre de la faille Nord-Pyrénéenne.


Le long de cette faille Nord-Pyrénéene, on retrouve à l'affleurement sur une distance de 500 km, de petits massifs de péridotites.

Les péridotites sont des roches magmatiques à texture grenue constituées essentiellement d'olivines et de pyroxènes..

Les péridotites sont fréquemment altérées par serpentinisation. Dans ce cas il y a une altération de l'olivine et des pyroxènes entraînant la formation de serpentine à la périphérie des minéraux. La serpentinisation est une hydratation, accompagnée d'une augmentation de volume.

Les péridotites présentes à l'affleurement dans les Pyrénées correspondent à des Lherzolites. Voici la position des Lherzolites sur le diagramme ternaire des roches ultra-basiques. Le nom Lherzolite fait référence à l'étang de L'Herz ou elles ont été décrites pour la première fois.


Voici une photo de lame mince en lumière polarisée-analysée d'une péridotite, ici de la lherzolite en voie de serpentinisation. Ici, les pyroxènes (en gris clair ou gris plus foncés) ainsi que les olivines (dans les teintes plus vives) présentent à la périphérie une bordure beige correspondant en fait à de la serpentine. La transformation minéralogique Pyroxène / Olivine ⇒ Serpentine s'opère de l'extérieur vers l'intérieur des minéraux.


Les péridotites sont des roches très rares dans la croûte continentale, mais sont abondantes dans le manteau, en effet le manteau supérieur est essentiellement constitué de péridotites ou de roches très proches.

Dans les Pyrénées les lherzolites sont intrusives dans des calcaires et des schistes. Les roches encaissantes les plus récentes sont datées de l'Albien (entre 92 et 104 Ma).

Alors comment expliquer la présence de ces roches à l'affleurement le long de la faille Nord-Pyrénéenne ?


Au cours du Crétacé, nous avons vu qu'il y a eu un début de rifting continental. Ce début de rifting a entraîné un amincissement de la croûte continentale et donc une remontée du Manteau. Cette remontée du Manteau s'est traduite par la mise en place de massifs de péridotites. Ces péridotites se sont mises en place au moment de la formation des bassins en pull-appart liés au cisaillement senestre le long de la faille Nord Pyrénéenne. Ces péridotites sont donc intrusives au sein de roches sédimentaires. Autour des massifs de péridotites on retrouve des roches métamorphiques de type marbre et micaschiste, il s'agit ici d'un métamorphisme de contact, donc HT et BP liés à l'intrusion des péridotites.

Au cours de la phase compressive éocène (que nous allons voir plus tard) les massifs de Lherzolite se sont trouvés pincés et par le biais de la remontée tectonique et de l'érosion se retrouvent actuellement à l'affleurement.


Pour résumer ce qui s'est produit durant le Secondaire. Le Secondaire commence à la fin de l’orogenèse hercynienne. Le Permien et le Trias correspondent à des périodes de distension et de dislocation de la Pangée. Le Permo-Trias est donc caractérisé par des dépôts continentaux au sein du rift continental, se rift ne se poursuit pas, c'est pour cela que l'on parle de rift avorté. Au sein de ce rift nous avons la mise en place de sédiments terrigènes issus de l'érosion de la chaîne hercynienne, conglomérats du massif de la Rhune et les Nouveaux Grès Rouges. Le Jurassique et le Crétacé sont caractérisés par une transgression marine, avec dépôts marins de types calcaires, dolomies et marnes. Il s'agit d'un bassin marin (plate-forme) de faible profondeur avec des variations eustatiques importantes. Au Crétacé supérieur mise en place d'un bassin marin profond : le sillon Nord Pyrénéen avec mise en place d'une sédimentation gravitaire de type Flysch. Au cours de cette histoire, deux périodes de mise en place de roches magmatiques, au cours des périodes de distensions, les Ophites au Trias, et les Lherzolites au Crétacé supérieur


Plan

Nous allons maintenant pour finir regarder les roches de l’Ère tertiaire, avec tout d'abord la limite KT.


Les roches de l’Ère tertiaire

La limite KT, donc Ère secondaire - Ère tertiaire, peut s'observer à différents endroits au sein des Pyrénées. Voici par exemple la limite KT dans le Pays basque, sur la baie de Loya. Cette limite est caractérisée par une crise biologique majeure, avec entre autres la disparition des ammonites, des dinosaures, des rudistes. On la repère généralement par le passage entre les foraminifères planctoniques du Genre Truncana caractéristiques du Crétacé, et les Globigérinides caractéristiques du Tertiaire.


Le poudingue de Palassou correspond à une roche détritique fluviatile, plutôt torrentielle datée de l’Éocène supérieur. On retrouve cette formation juste au Nord du chevauchement frontal Nord Pyrénéen. La sédimentation de ces poudingues a été contemporaine du chevauchement frontal, on parle de poudingues syn-orogéniques. C'est la datation des poudingues qui à permis de connaître l'âge du chevauchement. Ces poudingues se mettent en place au cours de l'émersion Éocène supérieur liée à l’orogenèse, avec le remplissage d'un bassin sédimentaire d'avant chaîne et le comblement du sillon Nord Pyrénéen.


Voici une dernière roche, cette fois dans les Pyrénées occidentales, il s'agit d'un calcaire à Nummulites provenant du rocher de la vierge à Biarritz. Il s'agit d'un calcaire marin à Nummulites. Ce calcaire daté de l'Oligocène correspond aux dernières formations marines des Pyrénées. En effet depuis l'Oligocène la sédimentation est uniquement continentale. Le sillon Nord Pyrénéen c'est d'abord fermé dans les Pyrénées centrales à l’Éocène supérieur, c'est ce que nous venons de voir avec le Poudingue de Palassou, puis dans les Pyrénées Occidentales à L'Oligocène.


s1se2021/pyrenees1.txt · Dernière modification : 2020/04/07 18:08 de s.zaragosi_gmail.com